Enquête sur l'inconscient
Il n’y a pas de nature profonde de l’inconscient, seulement des désirs qui ont été mal formulés.
Pour ce qui est de nos propres désirs, la plupart des gens croient que nous pouvons les connaître par une institution immédiate, qui ne dépend pas de l’observation de nos actes. Si, cependant, il en était ainsi, comment expliquerait-on qu’il y ait tant de gens qui ne savent pas ce qu’ils désirent ou qui se trompent sur la nature de leurs désirs ?
C’est un fait d’observation courante qu’« Untel ignore ses propres mobiles » ou que : « A est jaloux de B et malveillant à son égard, mais sans en être conscient ». On dit de ces gens qu’ils se trompent eux-mêmes et l’on suppose qu’ils se sont livrés à un travail plus ou moins compliqué, ayant pour but de dissimuler à eux-mêmes des choses dont l’évidence, sans cela, sauterait aux yeux.
C’est là, à mon avis, une manière de voir tout à fait fausse. Je crois que la découverte de nos propres mobiles ne peut se faire que de la même manière que celle dont nous découvrons les mobiles des autres, à savoir par l’observation de nos actions, celles-ci nous permettant ensuite de conclure aux désirs qui les inspirent.
Un désir est conscient, lorsque nous nous sommes dits à nous-mêmes que nous l’éprouvons. Un homme ayant faim peut se dire : « je voudrais bien déjeuner ». Alors son désir est conscient. Il ne diffère d’un désir inconscient que parce qu’il est formulé à l’aide de mots appropriés ; mais cette différence est loin d’être fondamentale.

L'essentiel
La notion d’inconscient est auréolée de mystère. En effet il est parfois décrit comme un continent éternellement inconnu de l’esprit.
Pas pour Bertrand Russell. D’après lui, l’inconscient est tout simplement une forme d’ignorance. On ne connaît pas toutes les raisons de nos propres actions, et donc on dit tout simplement qu’ « on n’en est pas conscient ».
Cette définition minimale de l’inconscient renverse complètement la méthode d’investigation pour mieux le connaître. Pas besoin de psychanalyse ou d’introspection ! Une observation méthodique des actions humaines devrait suffire.

Des ressources pour aller plus loin
L’esprit sans mystères
« La conscience a cessé d’être quelque chose de mystérieux que l’on prenait, à cause de son caractère de mystère, pour la voix de Dieu. »
– Bertrand Russell, La conquête du bonheur
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Résumé du corrigé :
Plan du texte
Première partie : Problématisation du sujet (Paragraphe 1)
- De « Pour ce qui est… » à « …de leurs désirs ? »
- Russell pointe du doigt une contradiction dans la façon dont les individus perçoivent l’origine de leurs désirs.
Deuxième partie : Hypothèse (Paragraphe 2)
- De « C’est un fait… » à « …aux yeux. »
- Russell cite, sans la nommer directement, l’hypothèse psychanalytique du refoulement, d’après laquelle nous nous cachons à nous-mêmes l’origine de nos actions.
Troisième partie : Contre-hypothèse (Paragraphe 3)
- De « C’est là… » à « …désirs qui les inspirent. »
- Russell propose une autre façon d’explorer l’origine de nos désirs : l’observations de nos actions.
Quatrième partie : Réfutation de l’inconscient psychanalytique (Paragraphe 4)
- De « Un désir est conscient… » à « …fondamentale. »
- Un désir est conscient s’il est formulé clairement. Dans ce cas, un désir insconcient est tout simplement un désir mal formulé.
Thèse du texte
Russell défend une approche comportementaliste de la connaissance de soi, où l’introspection directe est remplacée par l’observation et l’interprétation de nos propres actions.
Thèse adverse : La cible de Russell est ici clairement la psychanalyse, théorisée par Sigmund Freud. Freud défend l’idée que l’on peut accéder à ses désirs refoulés par des techniques d’introspection comme l’association libre et l’analyse des rêves. |
Problématique
Si la connaissance de nos désirs est possible par simple introspection, comment se fait-il que tant de gens se trompent sur leurs propres désirs ?
Intérêt philosophique et enjeux
💡Marketing et manipulation : La thèse de Russell implique que les spécialistes du marketing pourraient parfois mieux comprendre nos désirs que nous-mêmes, en observant nos comportements de consommation.
💡Impact sur la psychothérapie : Cette perspective suggère que les approches thérapeutiques devraient se concentrer davantage sur l’observation des comportements plutôt que sur la seule exploration des pensées et sentiments rapportés par le patient.
Pièges et difficultés
🚫 Erreur 1 : Manquer la critique de la psychanalyse – L’auteur rejette explicitement l’idée d’une « auto-tromperie » de notre esprit, qui correspond à la théorie du refoulement psychanalytique.
🚫 Erreur 2 : Ne pas explorer en profondeur la dimension épistémologique du texte – Russell soulève ici des questions fondamentales sur la connaissance de soi, qui dépassent la simple psychologie.
🚫 Erreur 3 : Ne pas poser d’objections à l’auteur – Un bon commentaire devrait interroger les limites ou les implications de la thèse du texte, d’autant plus qu’ici Russell donne finalement peut d’arguments pour la défendre.
Mobiliser ses connaissances
📌 Freud – Sa théorie de l’inconscient, même si elle diffère de la position du texte, est incontournable. Notamment les concepts de refoulement et le fait que l’inconscient influence nos actions.
📌 Locke – Notre inconscient est un étranger et son existence met à mal l’idée que l’on se fait de notre identité.
Objections au texte
Problème de l’interprétation ambiguë – Une même action peut découler de multiples désirs différents. Si j’aide une personne âgée, est-ce par altruisme, par désir de reconnaissance sociale, ou pour me conformer à des normes ? L’observation extérieure ne semble pas suffisante pour trancher.
Objection métaphysique – Si tous nos comportements sont explicables par une simple observations de nos actions, cela ne revient-il pas à nier notre intériorité ? Tous nos états mentaux sont-ils explicables par l’observation extérieure de notre corps ?
Éléments pour l'introduction
Qui n’a jamais été surpris par ses propres réactions, découvrant après coup des motivations insoupçonnées derrière ses actes ? « Je ne sais pas ce qui m’a pris », « Ce n’est pas dans mes habitudes »… Si la connaissance de nos désirs est possible par simple introspection, comment se fait-il que nous nous trompions si souvent sur nos propres désirs ? C’est à cette question cruciale que s’attaque l’auteur de ce texte en proposant une thèse radicale : loin d’être accessible par une intuition immédiate comme le croit communément le sens commun, notre vie intérieure ne se dévoilerait à nous-mêmes que par l’observation de nos comportements extérieurs, exactement comme nous procédons pour connaître autrui. Nous nous interrogerons donc sur la validité et les implications de cette thèse, en posant d’abord son contexte (à quoi elle s’oppose), puis en expliquant sa portée épistémologique (quelle difficulté elle affronte) et enfin en lui opposant quelques objections concrètes.