La volonté est l'enfant du désir

Il est plus facile d’encourager les personnes à faire le bien en faisant appel à leurs désirs plutôt qu’aux grands principes.

Considérons maintenant, non plus la personne dont la volonté de bien faire est éprouvée, mais celle dont la volonté vertueuse est encore faible, capable de succomber à la tentation, et sur laquelle on ne peut pleinement compter. Par quels moyens peut-on la fortifier ? Comment peut-on implanter ou éveiller la volonté d’être vertueux là où la force de cette volonté est insuffisante ? Uniquement en faisant en sorte que la personne désire la vertu – en lui faisant apparaître la vertu sous un aspect agréable ou son absence sous un aspect pénible.

C’est en associant la bonne conduite avec le plaisir, la mauvaise avec la peine, c’est en lui faisant découvrir, en gravant dans son esprit, en lui rendant sensible par l’expérience, le plaisir qui est la suite naturelle de la première, ou la peine qui suit la seconde, qu’il est possible de mettre en valeur cette volonté d’être vertueux qui, une fois affermie, s’exerce indépendamment de toute idée de plaisir ou de peine.

La volonté est l’enfant du désir et elle n’échappe à l’autorité paternelle que pour tomber sous celle de l’habitude. Sans doute, on ne peut pas considérer d’avance comme intrinsèquement bon ce qui naît de l’habitude. Mais si l’influence des associations agréables ou pénibles qui incitent à la vertu n’est pas soutenue par l’habitude, nous ne pouvons pas compter assez sur cette influence pour donner à l’action une constance infaillible.

Stuart Mill, L'utilitarisme

L'essentiel

Et si on arrêtait de faire la morale aux gens ?

Peut-être qu’au lieu de rappeller à chacun ses droits et ses devoirs, en espérant qu’il les respecte, on peut avoir une approche plus… pragmatique.

Car si être respectueux et vertueux demande de faire des efforts pénibles, qui aura envie de bien se comporter ?

Plutôt que de se battre contre la nature humaine, il serait peut-être plus efficace de s’en faire une alliée. Les gens font d’eux-mêmes ce qui leur semble utile et agréable : pourquoi ne pas alors associer la vertu à l’agréable ?

Sitôt que, par intérêt, chacun aura pris l’habitude de faire le bien, il n’y aura plus besoin de faire des leçons de morale.

 

Des ressources pour aller plus loin

Maximiser le bonheur

« Par «bonheur» on entend le plaisir et l’absence de douleur; par «malheur», la douleur et l’absence de plaisir. »

– Stuart Mill (L’utilitarisme)

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Biographie de Stuart Mill

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L’utilitarisme

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Définition de l’utilitarisme

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L’utilitarisme

STUART MILL

[Bac Philo] : Cours et corrigés

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Résumé du corrigé :

Plan du texte

Première partie (premier paragraphe – « Considérons maintenant…un aspect pénible. ») :

  • Mill pose le problème initial : comment renforcer la volonté vertueuse d’une personne moralement faible ?
  • Il énonce que la solution consiste à faire désirer la vertu.

Deuxième partie (deuxième paragraphe – « C’est en associant…ou de peine. ») :

  • Mill explique par quel moyen on peut susciter ce désir : en associant la vertu au plaisir et le vice à la souffrance.
  • Il met en avant l’expérience et l’apprentissage progressif comme leviers de cette transformation morale.

Troisième partie (troisième paragraphe – « La volonté est l’enfant… constance infaillible. ») :

  • Mill définit la volonté vertueuse comme le produit du désir et de l’habitude.
  • Il souligne l’importance de l’habitude dans la stabilisation de la volonté vertueuse.
Thèse du texte

Stuart Mill défend l’idée que la volonté d’être vertueux ne se développe pas spontanément, mais qu’elle doit être conditionnée par l’association du plaisir à la vertu et de la douleur au vice, puis consolidée par l’habitude.

Thèses adverses :

1) Kant : La morale ne doit pas reposer sur le plaisir ou la douleur mais sur un devoir rationnel (impératif catégorique).

2) Platon : La vertu ne se réduit pas à un calcul hédoniste mais repose sur la connaissance du Bien.

Problématique

Comment peut-on rendre une personne vertueuse lorsqu’elle n’en a pas la volonté ?

Intérêt philosophique et enjeux

💡Enjeux éducatifs : Si un enfant n’est pas vertueux par nature, est-ce qu’on peut lui apprendre ou est-ce qu’il est condamné à mal agir toute sa vie ?

💡Enjeux concrets sur la réhabilitation des criminels : Peut-on transformer la moralité d’une personne par un système de récompenses et de sanctions ?

Pièges et difficultés

🚫 Erreur 1 : Croire que Mill rejette totalement la liberté. Il ne réduit pas l’homme à un être conditionné. Il affirme que la vertu commence par un apprentissage avant de devenir une volonté autonome.

🚫 Erreur 2 : Oublier la place de l’éducation dans la morale de Mill. La formation morale ne repose pas que sur le plaisir et la souffrance, mais aussi sur une progression rationnelle qui vient des habitudes apprises.

🚫 Erreur 3 : Faire comme si les idées de Mill étaient évidentes. En tant que lycéen, souhaiteriez-vous vraiment que vos professeurs suivent les conseils de Mill ?

 

Mobiliser ses connaissances

📌 Aristote – L’éthique à Nicomaque : Aristote distingue l’« éthique de la vertu », où la vertu s’acquiert par la répétition et l’habitude, d’une éthique basée sur des principes rationnels abstraits. Il rejoint Mill sur l’idée que l’habitude joue un rôle central dans la formation morale.

📌 Kant – Fondements de la métaphysique des mœurs : Contrairement à Mill, Kant rejette toute association de la morale avec le plaisir ou la souffrance. Il affirme que la vertu repose sur la raison et le devoir, et non sur une habitude acquise par conditionnement.

Objections au texte

1. Le rôle de l’habitude dans la morale : une force ou un danger ? Mill met en avant l’habitude comme un élément central de la vertu. Or, une habitude peut aussi enfermer dans des comportements répétitifs et empêcher la réflexion critique.

2. Une vision limitée de la liberté humaine ? Mill semble réduire la formation de la volonté à un simple conditionnement par l’association plaisir-souffrance. Quelle place reste-t-il à la liberté de l’être humain, et à sa capacité de s’auto-dépasser ?

Éléments pour l'introduction

Dans le film Orange Mécanique, le personnage principal se retrouve dans une prison où il subit un programme expérimental. Il est conditionné à être dégoûté par la violence. Et les scènes où l’on assiste à ce conditionnement sont atroces : le prisonnier implore qu’on le laisse tranquille et qu’on arrête ce traitement. Le spectateur est alors face à une question à laquelle lui seul peut répondre : est-ce qu’on peut vraiment rendre quelqu’un vertueux malgré lui  ? Stuart Mill répond que oui, et qu’il y a même une méthode pour le faire.  Dans cet extrait, il cherche à comprendre comment une personne moralement faible peut développer une volonté stable d’agir vertueusement. Il affirme que cette transformation repose sur un mécanisme d’association: en liant la vertu au plaisir et le vice à la souffrance, l’individu développe progressivement le désir d’être vertueux. Une fois cette habitude ancrée, la vertu devient alors comme une seconde nature. Nous verrons ainsi d’abord comment Mill fonde la moralité sur le désir et l’habitude, avant d’examiner les critiques possibles de cette conception.