Une Cité ne peut pas se passer de lois
Pour défendre le bien commun il est nécessaire d’établir des lois qui dépassent les intérêts particuliers de chacun.
Les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon ces lois, sinon rien ne permet de les distinguer des bêtes les plus sauvages à tous égards. La raison en est la suivante : aucun être humain ne possède naturellement le don de connaître ce qui est le plus profitable aux hommes en tant que citoyens ; et même s’il le connaissait, il ne serait pas toujours en mesure de vouloir et de faire le meilleur.
Tout d’abord, il est difficile de reconnaître que le véritable art politique doit se soucier non de l’intérêt particulier, mais de l’intérêt général, car l’intérêt général apporte aux cités une cohésion que l’intérêt particulier fait voler en éclats ; difficile aussi de reconnaître que la consolidation de l’intérêt commun au détriment de l’intérêt particulier profite à la fois à l’intérêt commun et à l’intérêt particulier, à l’un et à l’autre indissociablement.
En second lieu, supposons un homme suffisamment avancé dans cet art pour savoir qu’il en est ainsi en vertu d’une nécessité naturelle ; supposons, en outre, que cet homme règne sur la cité sans avoir à lui rendre de comptes, en maître absolu ; même en ce cas, il ne pourrait jamais demeurer inébranlable dans ses convictions, c’est-à-dire continuer, toute sa vie durant, à donner la primauté à l’intérêt général et à subordonner l’intérêt particulier à l’intérêt général. Au contraire, la nature mortelle le poussera toujours à désirer insatiablement et à agir égoïstement.

L'essentiel
Que veut dire « faire société » ? Réussir à dépasser la puissante expression des individualités pour créer les conditions d’une vie commune.
Cette tâche est d’autant plus difficile que la nature a fait les êtres humains particulièrement égoïstes et violents. Leur priorité est la défense de leurs intérêts particuliers, et ils ne sont pas capables de réellement pouvoir se hisser à la hauteur du bien commun.
C’est pourquoi il est nécessaire d’établir un ordre juridique stable qui soit l’expression de cet intérêt commun : la loi.

Des ressources pour aller plus loin
Défendre le bien commun
« Le plus grand mal de l’homme est un défaut qu’on apporte en naissant, que tout le monde se pardonne, et dont par conséquent personne ne travaille à se défaire : c’est ce qu’on appelle l’amour-propre. »
– Platon, Les Lois, V
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Résumé du corrigé :
Plan du texte
Première partie (Phrase 1-2 : De « Les hommes doivent… » à « … de faire le meilleur. »)
- Sans lois, l’homme est guidé par ses pulsions comme les animaux.
- Nécessité des lois pour différencier les hommes des bêtes.
Deuxième partie (Phrase 3 : De « Tout d’abord… » à « …l’un et à l’autre indissociablement. »)
- L’intérêt général est difficile à faire primer sur l’intérêt particulier. Pourtant, il assure la cohésion sociale.
Troisième partie (Phrases 4-5 : De « En second lieu… » à « …agir égoïstement. »)
- Même le dirigeant le plus éclairé peut céder à l’égoïsme sans contrôle légal.
Thèse du texte
Platon soutient que les lois sont indispensables pour contraindre les désirs individuels et permettre la vie en société. Sans elles, l’homme cède à ses instincts égoïstes.
Thèses adverses : 1) Nozick (Libertarisme) : Les lois étatiques entravent la liberté individuelle. 2) Mandeville (Fable des abeilles) : Les vices privés font les vertus publiques |
Problématique
Comment garantir la cohésion de la Cité tout en respectant les intérêts particuliers de ses membres ?
Intérêt philosophique et enjeux
💡Enjeu politique : Les lois étatiques sont-elles des garanties ou des entraves à nos libertés ?
💡Enjeu éducatif : Peut-on enseigner ce qu’est le bien commun ou faut-il seulement s’appuyer sur les lois pour le faire respecter ?
Pièges et difficultés
🚫 Erreur 1 : Manquer de finesse sur le contexte historique. L’Etat des Cités grecques de Platon est bien différent de l’Etat français que l’on connaît aujourd’hui. C’est important de noter cette différence pour ne pas commettre d’anachronisme.
🚫 Erreur 2 : Décrire une nature humaine sombre et cupide. Platon ne prétend pas que les êtres humains se comportent mal tout le temps. Il dit juste qu’un système qui s’appuie sur la moralité de ses dirigeants est un mauvais système.
🚫 Erreur 3 : Ne pas définir intérêt général et intérêt particulier. Ces deux notions sont le coeur du texte et de sa problématique. Mais leur distinction n’est pas si évidente et il faut prendre le temps de la travailler.
Mobiliser ses connaissances
📌 Rousseau – Du contrat social : La loi doit exprimer la volonté générale, supérieure aux intérêts individuels.
📌 Montesquieu – De l’esprit des lois : Le pouvoir a tendance à abuser de lui-même, d’où la nécessité de le limiter en séparant les pouvoirs juridique, législatif et exécutif.
Objections au texte
1. Les lois sont-elles toujours justes ?
Platon valorise les lois, mais une loi injuste sert-elle vraiment l’intérêt général ? Certaines lois discriminatoires ou autoritaires nuisent à la communauté.
2. La nature humaine est-elle si égoïste ?
Platon semble pessimiste, considérant que les hommes sont irrémédiablement égoïstes. Pourtant, des gestes de solidarité et d’altruisme spontanés existent sans contrainte légale.
Éléments pour l'introduction
L’apparition et le succès des Bitcoins est un symptôme de la méfiance grandissante que les citoyens ont envers leurs Etats. En effet, dans de nombreux pays l’Etat est de plus en plus perçu comme tyrannique et autoritaire, promulgant des lois pour priver les citoyens de leurs libertés plutôt que de les protéger. Les électeurs choisissent alors des candidats de plus en plus libéraux, voire libertariens. Complotisme, désir de privatisation, de décentralisation, de dérégulation… avec le recul des Etats vient aussi le recul des grands cadres juridiques qui préservent la liberté et les intérêts des citoyens. Mais est-ce une solution à long-terme ? Comment réussir à préserver la cohésion de nos sociétés tout en protégeant les intérêts particuliers de leurs membres ? Dans cet extrait, Platon affirme que les lois sont indispensables pour préserver la cohésion sociale. Sans règles, les hommes se laisseraient guider par leurs désirs immédiats, compromettant la paix et l’harmonie dans la cité. Même un dirigeant éclairé peut succomber à ses intérêts personnels s’il n’est pas contraint par la loi. Nous verrons d’abord pourquoi la loi est essentielle pour canaliser la nature humaine, puis comment elle favorise l’intérêt commun, avant d’interroger les limites et les critiques de cette conception.