Le rôle de l'Etat est d'imposer la paix par le droit

L’État est une institution qui, si elle est faible, fait retourner ses citoyens à la guerre civile et l’insécurité.

La condition d’un État se détermine aisément par son rapport avec la fin générale de l’État, qui est la paix et la sécurité de la vie. Par conséquent, le meilleur État, c’est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde et où leurs droits ne reçoivent aucune atteinte. Aussi bien, c’est un point certain que les séditions, les guerres, le mépris ou la violation des lois doivent être attribués moins à la méchanceté des sujets qu’à la mauvaise organisation du gouvernement.

Les hommes, en effet, ne naissent pas citoyens, ils le deviennent. Remarquez, d’ailleurs, que les passions naturelles des hommes sont les mêmes partout. Si donc le mal a plus d’empire dans tel État, s’il s’y commet plus d’actions coupables que dans un autre, cela tient très certainement à ce que cet État n’a pas suffisamment pourvu à la concorde, à ce qu’il n’a pas institué les lois avec assez de prudence, et par suite à ce qu’il n’est pas entré en pleine possession du droit absolu de l’État. En effet, la condition d’une société où les causes de sédition n’ont pas été supprimées, où la guerre est continuellement à craindre, où enfin les lois sont fréquemment violées, diffère peu de la condition naturelle où chacun mène une vie conforme à sa fantaisie et toujours grandement menacée.

Spinoza, Traité Politique

L'essentiel

A quoi sert l’État ? A partager les richesses ? Promouvoir les Arts ? Éduquer la jeunesse ?

En réalité, aucune de ces politiques publiques n’a de sens ou d’effet si, avant toute chose, il n’existe pas une forme d’ordre et d’apaisement dans les rapports sociaux.

Pourquoi est-ce alors à l’État de faire régner cet ordre ? Parce que, d’après Spinoza, les êtres humains en sont par nature incapables. Leur égoïsme provoque une forme de compétition généralisée, qui amène de l’instabilité et de la violence.

Un bon État crée donc avec fermeté des lois, des droits, et les fait respecter. Tandis qu’un mauvais Etat laisse perdurer l’égoïsme social et ses conséquences.

Des ressources pour aller plus loin

L’État et le droit

« L’homme que conduit la raison est plus libre dans la cité où il vit selon le décret commun, que dans la solitude où il n’obéit qu’à lui-même. »

– Spinoza, Ethique, Proposition 72

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Résumé du corrigé :

Plan du texte

Première partie : Le rôle de l’État est d’apporter la paix et la sécurité

  • De « La condition d’un État… » à « mauvaise organisation du gouvernement. »
  • Spinoza affirme que c’est toujours l’État qui est responsable des désordres d’un pays, et qu’il ne respecte pas son rôle s’il n’impose pas la paix.

Deuxième partie : C’est en élevant les êtres humains au statut de citoyen que l’État fait régner la paix.

  • De « Les hommes, en effet… » à « …droit absolu de l’État. »
  • Les êtres humains sont les mêmes partout. C’est à l’État de créer le cadre nécessaire (et de le faire respecter) pour que ces êtres humains deviennent de bons citoyens.

Troisième partie : Sans État, la société est un chaos dangereux.

  • De « En effet, la condition… » à « …grandement menacée. »
  • Les êtres humains, sans cadre étatique, sont condamnés à vivre un conflit permanent entre volontés égoïstes.
    Thèse du texte

    Spinoza soutient que le rôle de l’État est de garantir la paix et la sécurité. Et si l’État ne respecte pas cette mission capitale, il condamne la société à supporter des conflits incessants causés par la volonté égoïste des être humains.

    Thèses adverses :

    1) Proudhon (anarchisme) : Il rejette la notion de « droit absolu de l’État » et considère que l’État lui-même est source d’oppression.

    2) Foucault (analyse et critique du pouvoir de l’Etat) : l’État et ses institutions produisent des formes de contrôle et de normalisation des individus qui ne servent pas nécessairement leur bien-être mais maintiennent des rapports de domination.

    Problématique

    Le rôle de l’État est-il d’encourager la nature humaine, ou au contraire de la corriger ?

    Intérêt philosophique et enjeux

    💡Education civique : Si « les hommes ne naissent pas citoyens, ils le deviennent », cela implique un processus d’apprentissage et de formation. L’enjeu ici est la création de systèmes éducatifs qui forment des citoyens capables de vivre en société.

    💡L’organisation institutionnelle de l’État : Si le seul et véritable rôle de l’Etat est de maintenir la paix, alors toute son organisation doit être tournée vers ce but. Dans ce contexte, cela a-t-il encore du sens d’avoir (par exemple) un ministère de la culture ou un ministère de l’agriculture ?

    Pièges et difficultés

    🚫 Erreur 1 : Confondre « droit absolu de l’État » avec « État totalitaire » – Le texte parle du « droit absolu de l’État » mais dans un contexte où ce pouvoir vise la concorde et la paix. Un piège serait d’assimiler cette notion à une défense du totalitarisme moderne, alors qu’il s’agit plutôt d’une réflexion sur la souveraineté de l’État.

    🚫 Erreur 2 : Faire un copié/collé de son cours sur l’état de nature – Spinoza n’est ni Hobbes ni Rousseau, et il faut s’en tenir au texte, qui décrit simplement l’état de nature comme une société où chacun vit « selon sa fantaisie » dans l’insécurité.

    🚫 Erreur 3 : Ne pas voir la dimension normative du texte -Le texte ne se contente pas de décrire ce qu’est un État, mais propose un idéal normatif (« le meilleur État ») basé sur des critères précis.

    Mobiliser ses connaissances

    📌 Voltaire – Traité sur la Tolérance : Le texte de Spinoza intervient dans un contexte où la guerre civile est avant tout d’ordre religieux. L’État amène la concorde en imposant la tolérance.

    📌 Rousseau – Le contrat social : Spinoza s’inscrit dans une lignée de philosophes « contractualistes » et cela peut être intéressant de comparer leurs différences.

    Objections au texte
    • Idéalisation excessive du rôle de l’État – Le texte semble présupposer qu’un État bien organisé suffit à garantir la paix sociale, négligeant d’autres facteurs comme les inégalités économiques, les tensions culturelles ou les influences extérieures qui peuvent provoquer des troubles sociaux malgré une bonne organisation institutionnelle.
    • Tension non résolue entre autorité et liberté – L’invocation du « droit absolu de l’État » pose la question de ses limites : jusqu’où l’État peut-il aller pour maintenir la paix sans compromettre les libertés individuelles?
    Éléments pour l'introduction

    Depuis la Réforme, l’Europe est secouée par des guerres de religion qui menacent la stabilité de ses sociétés et contraignent des communautés entières à l’exil. Spinoza, lui-même juif d’origine, est le témoin de ces conflits, et se demande ce qui peut les faire cesser pour de bon. D’après lui, c’est du côté de la politique que se trouve la solution. Et en particulier dans le rôle de l’État. Est-ce que l’État doit « laisser faire » et encourager l’expression de la nature humaine, ou doit-il au contraire éduquer les peuples et s’opposer à leurs passions ? Spinoza prend position et défend l’idée que ce n’est pas la méchanceté des hommes mais l’inaction de l’État qui cause les guerres civiles. Pour expliquer cette thèse, nous analyserons d’abord la conception de l’État et de sa finalité proposée par l’auteur, puis nous examinerons sa vision des rapports entre nature humaine et organisation politique, avant d’étudier les implications de cette pensée sur la compréhension des troubles sociaux et de la citoyenneté.