Les sens sont les matériaux de la pensée
Lorsque l’on examine le flux de notre conscience, on s’aperçoit qu’il est impossible de penser sans sensations ou sentiments.
Ce qu’on n’a jamais vu, ce dont on n’a jamais entendu parler, on peut pourtant le concevoir ; et il n’y a rien au-dessus du pouvoir de la pensée, sauf ce qui implique une absolue contradiction.
Mais, bien que notre pensée semble posséder cette liberté illimitée, nous trouverons, en l’examinant de plus près, qu’elle est réellement resserrée en de très étroites limites et que tout ce pouvoir créateur de l’esprit n’est rien de plus que la faculté de composer, de transposer, d’accroître ou de diminuer les matériaux que nous apportent les sens et l’expérience.
Quand nous pensons à une montagne d’or, nous joignons seulement deux idées compatibles, or et montagne, que nous connaissions auparavant. Nous pouvons concevoir un cheval vertueux ; car le sentiment que nous avons de nous-mêmes nous permet de concevoir la vertu ; et nous pouvons unir celle-ci à la figure et à la forme d’un cheval, animal qui nous est familier.
Bref, tous les matériaux de la pensée sont tirés de nos sens, externes ou internes ; c’est seulement leur mélange et leur composition qui dépendent de l’esprit et de la volonté.
L'essentiel
Notre pensée, qui pourtant semble infinie dans ses capacités, est en réalité extrêmement limitée.
Car on ne peut penser que ce dont nous avons déjà fait l’expérience : soit par nos sensations, soit par nos émotions.
Nous avons l’illusion que la pensée dépasse notre expérience parce qu’elle fait preuve d’imagination.
Mais en réalité cette imagination n’est pas pure création, mais plutôt combinaison d’éléments fournis par l’expérience.
Des ressources pour aller plus loin
Le moi empirique
« Je ne peux jamais, à aucun moment, me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception »
– Hume, Traité de la nature humaine, I ; Partie IV ; Section VI
Podcast
David Hume, ou l’art d’être sceptique