Le Dao est ineffable
Pour celui qui parvient à l’atteindre, l’harmonie avec le Dao ne peut vraiment s’expliquer.
Confucius admirait les chutes de Lü-leang. L’eau tombait d’une hauteur de trois cents pieds et dévalait ensuite en écumant sur quarante lieues. Ni tortues ni crocodiles ne pouvaient se maintenir à cet endroit, mais Confucius aperçut un homme qui nageait là. Il crut que c’était un malheureux qui cherchait la mort et dit à ses disciples de longer la rive pour se porter à son secours. Mais quelques centaines de pas plus loin, l’homme sortit de l’eau et, les cheveux épars, se mit à se promener sur la berge en chantant.
Confucius rattrapa le nageur et l’interrogea : “Je vous ai pris pour un revenant mais, de près, vous m’avez l’air d’un vivant. Dites-moi : avez-vous une méthode pour surnager ainsi ? “
“Non, répondit l’homme, je n’en ai pas. Je suis parti du donné, j’ai développé un naturel et j’ai atteint la nécessité. Je me laisse happer par les tourbillons et remonter par le courant ascendant, je suis les mouvements de l’eau sans agir pour mon propre compte.“
“Que voulez-vous dire par : partir du donné, développer un naturel, atteindre la nécessité ?” demanda Confucius.
L’homme répondit : “Je suis né dans ces collines et je m’y suis senti chez moi : voilà le donné. J’ai grandi dans l’eau et je m’y suis peu à peu senti à l’aise : voilà le naturel. J’ignore pourquoi j’agis comme je le fais : voilà la nécessité.”
L'essentiel
Comme le Socrate de Platon, le Confucius de Zhuangzi est étonné, curieux, interrogateur. A la différence qu’ici, il n’y a pas d’ironie chez Confucius. Il est sincèrement saisi, et il veut sincèrement comprendre.
Et ici l’enseignant, c’est le nageur. Il ne fait pas de grands discours, pas de grandes théories. Il décrit seulement sa pratique, qui est presque simple et banale : il suit le courant, il suit le flot.
Là où un être inquiet et anxieux se serait battu contre les tourbillons et se serait probablement noyé, le nageur n’a offert aucune résistance et a pu pleinement profiter des courants.
C’est tout bonnement incompréhensible pour un sage qui saisit les choses uniquement par l’intellect.
Des ressources pour aller plus loin
Suivre le flot
« L’Empereur Jaune […] s’aperçut qu’il avait perdu sa perle obscure. Il chargea Connaissance d’aller la retrouver, mais ce fut en vain. Il envoya Vue Perçante, mais elle revint bredouille. Il envoya Dispute, qui ne la trouva pas plus. Il envoya finalement Sans Rien, qui la retrouva. “Étrange, se dit-il, que ce soit Sans Rien qui l’ait retrouvée ». «





