Elargir les esprits, et non les rétrécir

Les êtres humains gagneraient à pratiquer le doute en religion et en politique.

On connaît bien les méthodes qui accroissent le degré de vérité de nos croyances : elles consistent à écouter tous les partis, à essayer d’établir tous les faits dignes d’être relevés, à contrôler nos penchants individuels par la discussion avec des personnes qui ont des penchants opposés, et à cultiver l’habitude de rejeter toute hypothèse qui s’est montrée inadéquate. On pratique ces méthodes dans la science et grâce à elles on a établi un corps de connaissances scientifiques.

Tout homme de science dont le point de vue est vraiment scientifique est prêt à reconnaître que ce qui passe pour une connaissance scientifique à un moment donné demandera sûrement à être corrigé par des découvertes nouvelles ; que, néanmoins, la science est assez proche de la vérité pour suffire à la plupart des besoins pratiques, mais non pour tous. Dans la science, quand il ne s’agit que d’une connaissance qui ne peut qu’être approximative, l’attitude de l’homme est expérimentale et pleine de doute.

Tout au contraire en religion et en politique : bien qu’ici il n’y ait encore rien qui approche de la connaissance scientifique, chacun considère qu’il est de rigueur d’avoir une opinion dogmatique [admise sans discussion] qu’on doit soutenir en infligeant des peines de prison, la faim, la guerre, et qu’on doit soigneusement garder d’entrer en concurrence par arguments avec n’importe quelle opinion différente.

Si on pouvait seulement amener les hommes à avoir une attitude agnostique [qui ne prétend pas savoir ] sur ces questions, neuf dixièmes des maux du monde moderne seraient guéris ; la guerre deviendrait impossible ; car chaque camp comprendrait que tous les deux doivent avoir tort. Les persécutions cesseraient. L’éducation tendrait à élargir les esprits et non à les rétrécir.

Bertrand Russell, Essais sceptiques

L'essentiel

Pourquoi ne pas prendre exemple sur la science dans le débat politique ou religieux ?

Plutôt que de camper sur des positions et de persécuter ceux qui ne sont pas d’accord avec nous, il serait possible d’adopter une attitude plus mesurée.

En effet, le débat scientifique est, pour Russell, un modèle à suivre, car il s’appuie sur la pratique du doute.

On recueille les avis de chacun, et on les soumet à un examen minutieux.

Et si un avis est considéré comme invalide après avoir été discuté, il est tout simplement écarté.

On est bien loin des discours politiques et religieux, qui s’appuient le plus souvent sur une autorité ou des valeurs considérées comme supérieures.

Des ressources pour aller plus loin

Les vertus du doute

« Lorsque vous étudiez une question ou examinez une philosophie, demandez-vous seulement : quels sont les faits, et quelle est la vérité que ces faits révèlent ? » 

– Bertrand Russell, Interview à la BBC (1959)

Vidéo

Interview sur la croyance

3MIN

Podcast

Des mathématiques à l’éthique

France Culture, 53 MIN

Article

La théière de Russell

Wikipédia, 15 MIN

Texte Intégral (audio)

Science et religion

Russell

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