L'égoïsme est contre-nature
S’isoler de sa cité, et ne pas respecter ses devoirs, c’est renoncer à sa nature d’être humain.
Comment donc peut-on dire des choses extérieures qu’il y en a de conformes à la nature et que d’autres lui sont contraires ? C’est comme si nous étions isolés.
Ainsi je dirai qu’il est de la nature du pied d’être propre, mais, si tu le considères comme pied et non comme une chose isolée, son rôle sera de patauger dans la boue, de marcher sur des épines et parfois même d’être amputé pour sauver le corps entier. Sinon il ne sera plus un pied. C’est une conception analogue qui convient à notre propre sujet. Qu’es-tu ? Un homme. Si tu te considères comme un membre isolé, il est selon la nature de vivre jusqu’à un âge avancé, de t’enrichir, de te bien porter.
Mais, si tu te considères comme un homme et comme partie d’un certain tout, c’est dans l’intérêt de ce tout que tu dois tantôt subir la maladie, tantôt entreprendre une traversée et courir des risques, tantôt supporter la pauvreté et parfois même mourir avant l’heure. Pourquoi donc te fâcher ? Ne sais-tu pas qu’isolé, pas plus que le pied ne sera un véritable pied, toi de même tu ne seras plus un homme ?
Qu’est-ce, en effet, que l’homme ? Une partie d’une cité, de la première d’abord, de celle qui est constituée par les dieux et par les hommes, puis de celle qui, comme on dit, s’en rapproche le plus, et qui est une petite image de la cité universelle.
L'essentiel
Les autres m’empêchent d’être heureux. Ils sont nombreux, bruyants, accaparés par des choses qui me semblent futiles. Alors pourquoi ne pas les ignorer et m’isoler ? Pourquoi ne pas me construire un bonheur égoïste ? Ne serais-je pas alors plus libre ?
Pas si l’on considère que l’être humain est sociable par nature, et que c’est sa nature que de vivre en communauté, dans ce qu’Épictète appelle « la cité ».
Certes, cette nature est cause de souffrances :
– je dois subir les malheurs du groupe ;
– je dois me sacrifier pour le groupe ;
– je dois partager avec le groupe.
Mais agir autrement serait contre-nature, et reviendrait à renoncer à la vie.
Des ressources pour aller plus loin
Le devoir est naturel
« L’école du philosophe est un cabinet de médecin : on ne doit pas en sortir en ayant pris du plaisir, mais en ayant souffert. Car vous n’y allez pas bien portants : l’un avait l’épaule démise, l’autre un abcès, celui-ci une fistule, celui-là mal à la tête. »