Le passé et le futur n'existent pas

La seule temporalité dont nous faisons réellement l’expérience, c’est le présent.

Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si je n’en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont ni en tant que futur ni en tant que passé, mais en tant que présents. Car si le futur y est en tant que futur, il n’y est pas encore ; si le passé y est en tant que passé, il n’y est plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils ne sont qu’en tant que présents. Lorsque nous faisons du passé des récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d’être, mais des termes conçus à partir des images des choses, lesquelles en traversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortes d’empreintes. Mon enfance, par exemple, qui n’est plus est dans un passé disparu lui aussi ; mais lorsque je l’évoque et la raconte, c’est dans le présent que je vois son image, car cette image est encore dans ma mémoire.

La prédiction de l’avenir se fait-elle selon le même mécanisme ? Les événements qui ne sont pas encore, sont-ils représentés à l’avance dans notre esprit par des images déjà existantes ? J’avoue (…) que je l’ignore. Mais ce que je sais, c’est que d’habitude nous préméditons nos actions futures, que cette préméditation appartient au présent, tandis que l’action préméditée n’est pas encore, étant future. Lorsque nous l’aurons entreprise, et que nous nous serons mis à réaliser ce que nous avions prémédité, alors l’action existera, puisqu’elle sera à ce moment non plus future, mais présente. De quelque façon que se produise ce mystérieux pressentiment de l’avenir, on ne peut voir que ce qui est.

Augustin, Les Confessions, Livre XI

L'essentiel

Augustin fait ici le récit d’une expérience que chacun peut faire en sa conscience : passé et futur n’ont d’existence qu’au présent de notre vécu. Le passé n’existe que comme image-souvenir présente dans la mémoire, le futur comme préméditation présente dans l’esprit.

Augustin suggère ainsi que le temps n’est pas un contenant objectif mais une distension de l’âme, faculté de synthèse qui unifie dans le présent vivant ce qui n’est plus et ce qui n’est pas encore.

Des ressources pour aller plus loin

Définir le temps

« Ce n’est donc pas l’avenir qui est long, lui qui n’existe pas, mais un long avenir, c’est une longue attente de l’avenir, et il n’y a pas plus de long passé, un long passé, c’est un long souvenir du passé. »

– Augustin, Confessions, Livres XI

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