La course au pouvoir
La malédiction qui touche l’humanité est d’oublier ce qu’elle veut au profit de ce qu’elle peut.
Le pouvoir, par définition, ne constitue qu’un moyen ; ou pour mieux dire posséder un pouvoir, cela consiste simplement à posséder des moyens d’action qui dépassent la force si restreinte dont un individu dispose par lui-même.
Mais la recherche du pouvoir, du fait même qu’elle est essentiellement impuissante à se saisir de son objet, exclut toute considération de fin, et en arrive, par un renversement inévitable, à tenir lieu de toutes les fins. C’est ce renversement du rapport entre le moyen et la fin, c’est cette folie fondamentale qui rend compte de tout ce qu’il y a d’insensé et de sanglant tout au long de l’histoire.
L’histoire humaine n’est que l’histoire de l’asservissement qui fait des hommes, aussi bien oppresseurs qu’opprimés, le simple jouet des instruments de domination qu’ils ont fabriqués eux-mêmes, et ravale ainsi l’humanité vivante à être la chose de choses inertes.
 
			L'essentiel
Critiquer le pouvoir est presque devenu un lieu commun en politique. Comme si, en soi, le pouvoir était une chose mauvaise, néfaste, presque toxique.
Mais ce n’est pas du tout ce que dit Simone Weil ici. D’après elle, le problème n’est pas tant le pouvoir que la course au pouvoir. C’est-à-dire que le pouvoir étant instable et insaisissable, il est impossible de créer un équilibre (juste ou injuste).
Ainsi, les victimes du pouvoir ne sont pas seulement celles qui en subissent les injustices. Pour Weil, les oppresseurs aussi sont asservis par le pouvoir, car ils sont condamnés, comme Tantale, à désirer une chose sans jamais se l’approprier.
 
			Des ressources pour aller plus loin
Esclaves du pouvoir
« Il n’y a jamais pouvoir, mais seulement course au pouvoir, et cette course est sans terme, sans limite, sans mesure. »





