L'illusion de la liberté

Être conscient de ses actions ne suffit pas à être libre.

II n’est rien que les hommes puissent moins faire que de gouverner leurs désirs ; et c’est pourquoi la plupart croient que notre liberté d’action existe seulement à l’égard des choses où nous tendons légèrement, parce que le désir peut en être aisément contraint par le souvenir de quelque autre chose fréquemment rappelée ; tandis que nous ne sommes pas du tout libres quand il s’agit de choses auxquelles nous tendons avec une affection vive que le souvenir d’une autre chose ne peut apaiser.

S’ils ne savaient d’expérience cependant que maintes fois nous regrettons nos actions et que souvent, quand nous sommes dominés par des affections contraires, nous voyons le meilleur et faisons le pire, rien ne les empêcherait de croire que toutes nos actions sont libres.

C’est ainsi qu’un petit enfant croit librement désirer le lait, un jeune garçon en colère vouloir la vengeance, un peureux la fuite. Un homme en état d’ébriété aussi croit dire par un libre décret de l’âme ce que, sorti de cet état, il voudrait avoir tu ; de même le délirant, la bavarde, l’enfant et un très grand nombre d’individus de même farine croient parler par un libre décret de l’âme, alors cependant qu’ils ne peuvent contenir l’impulsion qu’ils ont à parler ; l’expérience donc fait voir aussi clairement que la raison que les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés.

Spinoza, Éthique, III, proposition II, scolie

L'essentiel

J’arrête quand je veux ! C’est mon choix ! Ma décision !

Ces cris du coeur, quand ils sont poussés par d’autres, nous semblent parfois ridicules. Par exemple, nous voyons clairement que l’alcoolique qui titube, en vociférant sur sa liberté de boire, est dans le déni et l’illusion de sa propre addiction.

Mais qu’arrive-t-il si l’on se penche sur nous-mêmes ? Que l’on cherche à connaître les causes de nos propres actions ?

Nous découvrons alors que nos actions sont le fruit de désirs puissants, d‘impulsions impérieuses et d’émotions inconnues.

L’illusion de la liberté vient de cette ignorance. Nous nous croyons libres parce que nous nous voyons agir. Mais en réalité nous ne connaissons pas les origines de nos actions.

Des ressources pour aller plus loin

La loi du désir

« L’individu entraîné par son désir au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu’exige son intérêt authentique est soumis au pire des esclavages. »

– Spinoza, Traité théologico-politique, chapitre 16

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« La liberté n’est que l’ignorance des causes qui nous déterminent »

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Psychologie déterministe et projet éthique chez Spinoza

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